La démondialisation

Publié le 16 Novembre 2011

Le Forum Social Mondial s’est déroulé à Evry, en parallèle de Dakar, du 5 au 10 février 2011. C’est à l’Université d’Evry que les économistes Jacques Sapir et Daniel Bachet ont évoqué la mondialisation « sans puissance régulatrice », en ce jour du 9 février.

 

DSCN2111.JPGPour Jacques Sapir, il faudrait une autonomie monétaire nationale, un contrôle des capitaux à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Europe et que le législateur fasse face à la compétitivité.

Quant à Daniel Bachet, il tente de nous expliquer l’évolution de la mondialisation et nous propose des solutions qui ne sont pas partagées par tous.

En résumant son intervention, il explique que le terme « mondialisation » est un mot récent alors que le phénomène est ancien. Dans les années 80 se met en place une nouvelle mondialisation, avec la sensation d’un monde uniforme et indépassable.

Dans l’Histoire, il y a eu quatre tentatives de mondialisation qui se sont soldées par des échecs mais aujourd’hui, la liberté des flux de produits, de capitaux et de nouveaux acteurs est une réalité. L’Europe n’est plus le centre du monde : la construction, la volonté humaine d’abonder en ce sens dit du « progrès », par le biais des institutions, serait un « processus transcendant dépassant ses acteurs et qui touche à sa fin ».

Certains pays remettent des barrières à l’encontre de ces flux de capitaux, comme le Brésil ou la Corée du Sud, et insistent sur la notion de protectionnisme des biens et services. Un processus de rétractation des flux de marchandises et de capitaux tourne le dos à la mondialisation. La dissémination de valeurs culturelles, entre la fin de la Première guerre mondiale et la fin des années 80 est la conséquence des migrations comme la crise irlandaise de 1947 où la famine avait décimé une grande partie de la population.

 

Pourquoi avoir construit un métacteur qui agit à la place des hommes ?

 

D’après l’économiste Bachet, la mondialisation est « la manière dont les riches des pays riches s’associent aux riches des pays pauvres pour rendre pauvres, les pauvres des pays riches ». En découle les joies des inégalités. Est-ce cela le progrès ? Les grands développements des marchés financiers ne doivent-ils pas être déconstruits aujourd’hui ? Quelles peuvent être les alternatives à ce marché multipolaire tirant sa force du profit et s’acharnant à l’exploitation à outrance, au point d’en ignorer les limites des ressources et des hommes ?

On ne cesse de nous ressasser que le libre-échange a profité au plus grand nombre mais cet argument est pour le moins douteux. Lorsque la croissance mondiale est mesurée, sont pris en compte le PIB (Produit Intérieur Brut) et la valeur ajoutée. Mais en prenant l’exemple des pays en voie de développement, toute production vivrière exploitée dans le cadre familial donne à leur pays une hausse du PIB alors qu’il y a un appauvrissement avec la baisse de la consommation alimentaire qui n’est pas comptabilisée. De même, l’augmentation de la croissance des pays asiatiques n’existe que par le commerce international, ces pays sans ouverture utilisent les mécanismes de la mondialisation aux détriments des autres pays. En outre, en Chine par exemple, la richesse produite ne profite qu’à une partie de l’élite, une classe moyenne de 250 millions de Chinois.

 

La mondialisation peut-elle être freinée et par quelle sorte de « protectionnisme » ?

 

Entre 2007 et 2009, il y a eu une chûte brutale du PIB mondial : par conséquent, des mesures de protectionnisme on commencé à apparaître, l’idée que le commerce ne développe pas l’économie mais que c’est le développement du commerce qui induit l’économie.

Cependant, le néomercantilisme est devenue l’idéologie d’aujourd’hui : exporter toujours plus nous mènera certainement à une catastrophe mondial. Puisque le commerce ne développe pas de valeur par lui-même, il faudrait ouvrir de nouveaux espaces de production et protéger le marché intérieur.

L’économiste évoque le « protectionnisme altruiste » de Bernard Cassel « destiné à protéger les modèles sociaux les plus avancés, comme les intérêts des travailleurs du sud : des prélèvements variables sur les importations suivant des critères sociaux et écologiques, et qui seraient restitués aux pays d’origine » pour qu’ils mettent en place des systèmes de protection sociaux afin qu’ils convergent avec les nôtres.

Deuxièmement, la globalisation financière est née de l’innovation, la dérèglementation c’est-à-dire la suppression des règlementations qui encadre l’activité économique. Conséquence, nous avons une expansion des marchés grâce à la collusion entre l’élite politique et financière : les barrières protectionnistes ont sautées.

 

Crises financières, conséquences d’une globalisation financière « darwinienne »

 

Le développement de la finance dérèglementée entraîne l’apparition de produits dérivés ; les banques soumis à la concurrence sont amenées à participer aux marchés…

Aux Etats-Unis, les banques ont cherché à se refinancer en prêtant à des ménages qui n’ont pas pu rembourser à cause de la spéculation immobilière : c’est la crise des subprimes.

Avec l’absence de marché interbancaire en 2008, les Etats se portent garants pour éviter la fin de l’existence des banques dans les pays développés. La crise des dettes pour les banques se transforment en dettes souveraines.

Avec la crise de l’euro, constituer une monnaie unique sans budget commun est un problème qui bloque les Etats membres dans leurs prises de décisions.

Par conséquent, Daniel Bachet propose que nos institutions remettent en place la réglementation des années 30 : les capitaux à court terme sont inutiles puisque les entreprises ont besoin de stabilité et de longévité ; il souhaite que se mette en place le contrôle des capitaux sur certaines zones, une restructuration de la dette c’est-à-dire un rééchelonnement des échéances des dettes à court terme en dettes à long terme, pour certains pays. Il nous pose la question suivante : comment faire ces restructurations de dettes dans la zone euro ? Selon lui, une autre crise financière grave arrivera au milieu de l’année prochaine, en février-mars 2012. Il n’y aurait aucune anticipation et les gouvernements ne l’admettraient pas.

 

Ambitions nationales, incertitudes collectives

 

Les mesures de protection sont prises de manière individuelle alors que l’on devrait prendre une décision collective pour éviter l’incertitude non-coordonnées des différents Etats. Est-il possible d’établir un cadre négocié ? Il semblerait que les Etats prennent des décisions unilatérales au détriment d’actions collectives.

L’enjeu de la démondialisation serait d’être capable de mettre en place un processus collectif relativement coordonné. Si cette action tarde, l’action unilatérale sera la seule solution possible. En revenant à ce qui a été un des facteurs des guerres en Europe au XX ème siècle : l’économiste nous répond que le contexte n’était pas le même avec par exemple la crise des années 30 qui a entrainé un manque de liquidité. Serions-nous arrivé au bout d’un système ? Le transformer semble être une vaste tâche, car il faudra peut être revenir à une réglementation financière sans refaire les erreurs du siècle dernier : la mondialisation est champs de bataille où tous luttent contre tous sans code d’honneur, il serait peut être temps d’en écrire un.

 

La mondialisation est-elle non-modelable ?

 

Mise à part des propos de nos deux économistes, les changements ne peuvent survenir que par une volonté commune, la force du peuple lorsque, mûr pour un soulèvement face à l’oppression, il s’acharne à acquérir ses libertés, des scribes représentants celui-ci dans la tâche délicate qu’est la justice, l’équité, la transparence et la stabilité politique, social et économique. Le plus difficile pour un pays est de conserver ces libertés, à l’image de la dignité humaine, et éviter de sombrer dans une hypnose de bien être qui causerait son inaction et son inefficacité à court ou long terme.

L’utopie de la mondialisation s’est réalisée mais ses valeurs et son existence même ne sont pas éternelles : comme la vie, tout se transforme. C’est aux peuples de préserver ses résistances collectives par l’engagement, suite aux indignations Hesseliennes, afin d’éviter que les hommes n’est que pour dessein de lutter les uns contre les autres.

Si la mondialisation n’existait pas, on finirait pas s’ennuyer, le monde serait parfait. La vie est une lutte mais notre intelligence nous permet de dépasser notre instinct primitif et de construire des civilisations dans lesquelles nous pouvons vivre tous dignement.

 

Vous pouvez retrouver cet article sur le journal étudiant Evry Way n°11 mars 2011 en dossier d'enquête p. 15

 

 

Fanny VEYSSET

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